Animation de guerre

décembre 9, 2015

Qu’y a t-il comme film d’animation qui parle de la guerre ? Il y a bien sûr des quantités de films et séries TV qui se déroulent dans un contexte de guerre – mais qui parlent d’héroïsme, de virilité, de camaraderie, mais surement pas de guerre. Il y a les films de propagande, qui parlent de la liberté ou de la patrie en danger, mais surtout pas, évidemment, de la guerre elle-même.

Il y a les films pacifistes, très nombreux : « Les Voisins » de Norman McLaren, ou « Conflict » de Garry Bardine. Ces films, dont le modèle a été maintes fois répété, posent deux camps rigoureusement symétriques, se partageant l’écran par le milieu, et se lançant dans un conflit menant à l’anéantissement des deux protagonistes. Le motif du conflit est évidemment futile.

« Les Voisins » est un grand film par sa cinématographie et par ce qu’il apporte au cinéma d’animation (la technique de la pixilation). Mais il ne dit rien sur son sujet,  la guerre et la paix, que pourtant il affiche clairement dès les premières images, et au générique de fin. Il affirme que la guerre se déroule entre deux camps rigoureusement égaux, que ses raisons en sont futiles et relèvent de la cupidité et de la fierté, et qu’il n’y a aucun vainqueur au final. Et que donc il vaut mieux s’aimer les uns les autres. C’est gentil, mais cela ignore complètement, par exemple, que dans le contexte de Guerre Froide où il a été réalisé, la guerre se faisait via des pays du tiers-monde. Pour parler de la guerre de ce temps, on aurait pu ajouter d’autres personnages, qui auraient été envoyés cueillir la fameuse petite fleur et qui se seraient entretués au nom des deux protagonistes. On aurait eu alors une lecture assez différente du film.

« Konflikt » est un poil plus ambigüe, puisque l’un des deux camps (en bleu, à l’ouest) est à la fois le provocateur et le déclencheur de la guerre nucléaire. On n’est pas encore sous Gorbatchev, ceci explique peut-être cela.

Ensuite il y a les films qui décrivent les horreurs de la guerre. Le dernier en date est « Lettres de Femmes » (Augusto Zanovello) sur la guerre de 14, qui reste toujours dans la métaphore. Mais le plus célèbre et le plus fort est sans doute « Pikadon » de Kenzo Kinoshita, qui décrit l’horreur d’Hiroshima.

Ce sont des films utiles, forts, mais qui ne parlent pas de ce qui fait la guerre, de ce qui la provoque, des modes de pensées des combattants, des officiers, du contexte, des causes…  Ils ne disent de la guerre que ce sur quoi presque tout le monde est d’accord : la guerre est horrible, la paix vaut mieux que la guerre.

On pourrait citer « le Tombeau des Lucioles » de Takahata – mais il n’est pas certain que ce film parle vraiment de la guerre… plutôt de misère et d’abandon.  Ou encore  Gloria Victoria  de Thédore Uschev,  que j’avoue ne pas très bien comprendre.

Mais de toutes façon, on ne parle encore  là que des conséquences de la guerre, pas de ses causes ni des processus qui y mènent et qui la font fonctionner. L’actualité le montre tous les jours dans des pays lointains – et de temps à autres dans des pays proches  – la guerre n’est pas un monstre alien venu de nulle part, elle a ses causes et ses mécanismes. Quel film d’animation en parle vraiment  ? Et à plus forte raison, quel film parle de la guerre de notre temps ?

 

 

Il y en a surement d’autres, mais je ne me souviens que d’un film : « Valse avec Bachir », ou le réalisateur, Ari Folman, ancien combattant de la guerre du Liban, se remémore les évènements qui ont emmené au massacre de Sabra et Shatila. Il y décrit en détail, et de première main, les mécanismes psychologiques et sociaux qui ont emmené des soldats israéliens « jeunes et modernes » à participer – même si ce n’était qu’en soutien – à l’un des pires massacres de l’époque. Des jeunes gens qui auraient tout aussi bien pu aller danser au Bataclan 30 ans plus tard.

Il n’est pas innocent que le réalisateur de ce film ne soit pas venu de l’animation, et qu’il n’est choisit cette technique avant tout  pour des raisons pratiques.

(Il y a aussi Tussilago de Jonas Odell – pas vraiment un film sur la guerre, mais sur un groupe terroriste, la Fraction Armée Rouge)