Préhistoire (I)

octobre 24, 2015

Quelques commentaires et questionnements sur le documentaire « Quand homo sapiens faisait son cinéma« , en attendant de lire le livre correspondant, « La Préhistoire du cinéma » de Marc Azéma. La thèse de Marc Azéma, pour faire simple, est que les techniques cinématographiques ont toujours existé et qu’on en trouve l’ébauche dès le paléolithique.

Le documentaire décrit en fait quatre choses différentes : la représentation de phases de mouvement différentes sur un même dessin, un potentiel thaumatrope préhistorique, une analyse de la fresque des Lions de Chauvet comme une narration graphique, et enfin une série d’hypothèses sur le mode de présentation des fresques rupestres.

Je trouve le travail d’Azema remarquable et passionnant (d’autant que l’Histoire et la préhistoire, c’est un peu mon violon d’Ingres), mais en tant que praticien du cinéma d’animation, je ne suis pas totalement convaincu. Évidemment, ça me ferait plaisir de savoir que l’art que je pratique, un peu marginal il faut bien dire, est en fait un des plus anciens de l’histoire de l’Humanité… mais je crois que je vais encore devoir me contenter de « un des plus récents », ce qui est aussi pas mal.

Evidemment, Azéma ne prétend pas que artistes de la Grotte Chaumet faisait du cinéma – simplement qu’il y avait chez eux une envie artistique similaire à celle des animateurs.

Ce qui suit n’est pas une critique de son travail mais une série de questionnements sur l’animation inspirées par ce film.

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            la représentation des phases du mouvement

De nombreuses images pariétales partagent une même curiosité : certaines parties des corps sont dessinées plusieurs fois, souvent à peine esquissées, quand d’autres parties sont parfaites. Certains y voyaient des repentirs ou des esquisses, d’autres des traces de vandalisme, mais d’autres, depuis fort longtemps, y voient des représentations de phases de mouvement. Walt Disney lui-même en parle comme de la préhistoire du cinéma d’animation dans ce documentaire  (vers 3’20 »). Georges Sifianos recense une longue liste d’auteurs ayant développé cette thèse dans son Esthétique du Cinéma d’animation.

La thèse d’Azéma n’est donc pas nouvelle, mais il la démontre de façon plutôt convaincante. Un bouquetin portugais est parfaitement explicite, et un cheval buvant, avec sa patte en avant quand la tête se baisse est particulièrement spectaculaire.

Mais eut on y voir là un prémisse du cinéma d’animation ? Azéma et Willoughby concluent que cela montre une envie d’animation, à défaut de la capacité technique. C’est à mon avis aller un peu vite. Que les peintres de Lascaux ou Chauvet aient eu envie de représenter le mouvement – dis autrement, de représenter des animaux vivants, plein d’actions – cela saute aux yeux. Le mérite d’Azéma est de révéler une façon particulière de le représenter, par superposition.

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C’est probablement suffisant pour la thèse d’Azéma. Mais cela ouvre à un certain nombre de questions.

Par exemple :  l’animation, est-ce représenter le mouvement ?

La sculpture ne représente pas des volumes, elle est le volume, tandis que les images représentent des volumes. De la même façon, l’animation n’est pas représentation du mouvement, c’est le mouvement. L’image animée est une image en mouvement, une image dont la qualité (les formes, les couleurs, la composition) est en transformation permanente alors que s’écoule le temps de la représentation. Cette image peut contenir une représentation de mouvement humain ou animal, mais elle n’est animation que parce qu’il y a écoulement du temps

L’erreur ici est peut-être de confondre l’analyse et la décomposition du mouvement avec l’animation. Elle en est un des procédé, pas le seul ; et c’est probablement aussi l’un des procédés de plusieurs autres arts,  du mime,  de la marionnette… ou de la peinture : déjà chez les égyptiens – et apparemment donc, encore avant chez les paléolithiques.

 

 

2 thoughts on “Préhistoire (I)

  1. Merci pour ces réflexions qui donnent bien envie de voir le documentaire.
    C’est marrant, mais j’étais à Lascaux il y a deux semaines et la guide évoquait la nature cinématique des peintures de chevaux… Ça ne m’a pas frappé, même dans la décomposition du mouvement… mais c’est vrai que je suis un peu neuneuille…
    On attend la suite…
    On ne peut pas laisser de commentaires sur ton 2° post.

  2. Pingback: Quand Homo Sapiens faisait son cinéma - Dess(e)ins animés

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