Des festivals (1)

Qu’est ce qui fait que j’ai tant de mal avec les festivals ? Que je me sois disputé avec quelques uns  de leurs représentants et que remplir les fiches de festivals me déprime tant ? J’ai pourtant largement eu ma part de sélections et de prix, je devrais être reconnaissant. Tous les quatre ans, le regretté Albert […]

Qu’est ce qui fait que j’ai tant de mal avec les festivals ? Que je me sois disputé avec quelques uns  de leurs représentants et que remplir les fiches de festivals me déprime tant ? J’ai pourtant largement eu ma part de sélections et de prix, je devrais être reconnaissant.

Tous les quatre ans, le regretté Albert Jacquard intervenait sur les ondes de France Inter au moment des Jeux Olympiques. Il y développait inlassablement sont rejet de la compétition, et son idée simple : le but du sport n’est pas d’être meilleurs qu’un autre, il est d’être meilleur que soi même. « Je n’ai pas à être plus fort que l’autre, j’ai à être plus fort que moi grâce à l’autre. »

Les « Festivaliers » – c’est à dire : organisateurs, artistes, spectateurs – sont amoureux des Prix et de la Compétition. On ne s’intéresse qu’à savoir si tel ou tel film « mérite de… « , on concoure « pour son pays », on respecte une « stricte équité », on se réjouit que « tel talent ait été reconnu », on s’indigne que « ce film scandaleux soit primé »…

Dans des domaines plus sérieux, certains auteurs refusent les prix, pour des raisons politiques, de morale… Dans notre petit monde, ça serait probablement très vaniteux. Et puis les courts métrages n’existent quasiment que par les festivals… Difficile donc d’y échapper.

J’ai essayé d’argumenter dans d’autres cadres pour des festivals sans prix. Il ne manque pas d’arguments : inanité du principe même, inutilité de la chose, effets pervers sur les sélections, etc.

Mais au fond ce qui m’est si pénible, c’est l’infantilisation dans laquelle se trouvent placés les artistes par rapport aux « festivaliers ». Car ceux-ci ne se contentent pas de distribuer des médailles  : ils se proclament « découvreurs de talents », ils sont « ceux qui ont permis le succès de untel ou untel ». Et surtout,  ils sont perçus comme tel. Les artistes se trouvent dans une position d’attente et de demande, et donc d’infériorité et d’infantilisation. La consécration devenant alors : devenir soi-même membre de jury. Passer dans la cour des grands. Pouvoir enfin distribuer les médailles en chocolat. Je l’ai fait, j’étais très fier de moi.

C’est d’ailleurs peut être la vraie raison des prix :  donner aux organisateurs de festivals une place de dominant. Sans les prix, ils ne sont « que » des organisateurs au service des artistes et du public*. Ils ne seraient jugés que sur leur capacité à  faire venir le public. Ils devraient être reconnaissant aux artistes de leur offrir leurs œuvres.

Mais grâce aux prix, ils trouvent une position centrale, prestigieuse. Ils sont ceux qui jugent, ou mieux encore, qui font juger. Et qui ouvrent la porte de la gloire aux heureux élus.

Ils ne sont alors plus des passeurs, ils se croient devenir des créateurs. Créateurs de créateurs, en quelque sorte… Ils  s’imaginent « faire » les artistes qui leurs sont alors naturellement reconnaissant. Merci de m’avoir reconnu !

 

* Ce que certains pourraient considérer comme la place la plus noble. Il me semble d’ailleurs que parmi les organisateurs de festivals les plus adorables que j’ai rencontré se trouvent ceux qui n’organisent pas de compétition et se concentrent sur le public.